Glissement de terrain
Ma garde rapprochée d'amies parisiennes est composée depuis des années de célibataires sans enfants.
L'une répond à mes angoisses devant la balance avec son humour inimitable "tu prends 100 kg s'il le faut mais tu nous le ponds ce mioche, après on avisera", l'autre me met en garde "j'espère que tu as prévu une autre amie pour s'extasier sur la beauté de ton Malabar quand il sera là".
Elles sont "cash" et c'est pour ça que je les aime, parce qu'elles ne pratiquent pas le politiquement correct.
Samedi soir à l'apéro, alors que la conversation depuis même pas 5 minutes tournait exceptionnellement sur le sujet (que nous officialisions), une a pris la parole et a d'un ton sec posé une question pour changer de sujet. J'ai reconnu ce ton sec. Celui-là même que la politesse élémentaire aurait réussi à masquer s'il n'y avait pas la douleur intime "de ne pas encore avoir d'enfant". Je l'ai regardée, j'ai souri et me suis concentrée sur le nouveau sujet.
Heureusement, il y a aussi parmi mes amies la maman du jeune Leandro avec qui je peux partager le chemin de cette Odyssée.
Mais le plus souvent je suis seule. Seule à jouer l'équilibriste sur ce sommet de la maternité certes déjà gravi par des millions de femmes mais qui pour moi est nouveau. Chaque jour son lot de nouveautés auxquelles je dois m'adapter, de questions auxquelles je n'ai pas une once de réponses, d'angoisses existentielles sur mon instinct maternel, de peurs...
C'est à ce moment-là que l'absence de bras et de mots maternels, chaleureux et bienveillants, me font cruellement défaut mais comment -et pourquoi- attendre d'une femme qui n'est pas connectée avec elle-même depuis plus de 30 ans d'être connectée avec les angoisses de sa fille ? J'en ai fait mon deuil ces dernières années mais n'empêche ça reste douloureux.
Heureusement il me reste les fleurs. Silencieuse certes mais chaleureuses et bienveillantes.