Enfin parler.
Oui j'aurais pris la décision d'une interruption médicale de grossesse. Pour de nombreuses raisons (que je ne prétends pas universelles mais justes personnelles) sur lesquelles je ne m'étendrai pas.
Mais dès lors, avec cette certitude dont nous avions parlée avec Arthur Miller avant même la conception de Malabarette, comment vivre sereinement l'attente de l'amniocentèse et surtout celle des résultats ? Comment continuer à aimer ce bébé qui un temps a présenté un risque de trisomie 21 et savoir de quelle abomination je pourrais être capable si la probabilité du risque se transformait en certitude ?
Je butais contre cette incohérence à en frôler la schizophrénie.
Comment être une bonne mère aimante, censée être capable d'un amour inconditionnel et être capable en même temps d'envisager le pire -la mort- pour son enfant ? Comment survivre à cette dichotomie sans se voir en sorcière malveillante qui cache bien son jeu ?
Autre question que je n'arrivais pas à surmonter : comment être capable, après avoir attendu 5 ans, bataillé 2 ans, de donner mon accord pour un examen qui risquait de provoquer une fausse couche alors que très certainement (à en croire les fameuses probabilités...) mon bébé était normal, que peut-être, compte tenu de mon âge, cette chance de grossesse ne me serait pas redonnée, que très certainement je ne me remettrais pas psychologiquement d'un tel choc ?
Il m'a fallu deux mois. Deux mois qu'Arthur Miller a eu l'intelligence de nous accorder afin que nous avancions en notre âme et conscience vers la décision de faire cette amniocentèse. Deux mois pour apprivoiser mes questions, trouver les réponses.
La première m'a été apportée par cette réflexion : "peut-être que cet enfant que vous portez se réincarne depuis des années en trisomique 21 et que depuis des années personne n'ose mettre fin à ses souffrances. S'il vous a choisis c'est qu'il sait qui vous êtes, de quoi vous êtes capables". Certains penseront que c'est une façon bien facile de se débarrasser de toute culpabilité, moi j'ai toujours pensé qu'un enfant choisissait ses parents...
La deuxième m'a été donnée par mon père qui à sa façon très personnelle -100% maladroite et 0% diplomatique- m'a écrit un jour : "une fausse couche c'est un bonheur en moins, un enfant trisomique, une tuile pour la vie...". Ce n'est pas tant son jugement (discutable sur les deux points) qui m'a aidée mais cette mise en relation de la portée des conséquences des deux risques qui s'offraient à moi.
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Ce matin le labo a appelé : risques T13, T18, T21 écartés. Reste encore les résultats des 43 autres chromosomes à étudier mais aujourd'hui je savoure mon courage, mon bonheur, ma grossesse. Et p***** qu'est ce que c'est bon.
PS : ce billet est beaucoup trop long mais ça fait du bien de réussir à causer.