Chéries, chéries...
Gladys Pearl Baker et Marilyn Monroe
Entendu d'une autorité compétente "Pour parler brutalement, votre mère est folle, dénuée de tout affect, atteinte d'une folie socialement acceptée et acceptable car elle ne laisse ni traces ni marques visibles qui pourraient attirer l'attention.".
Voilà.
Ma mère est de celles qui se préoccupent plus du store de son grand balcon à changer que de la maladie d'un de ses proches.
Et je suis la fille de cette femme-là.
Oui, j'ai du demander à ma mère, vers l'âge de 7/8 ans de m'appeler "Chérie" et non plus par mon prénom car cela me rendait malheureuse d'entendre mes cousins/cousines affublés de petits noms affectueux par leurs parents et pas moi.
Tous mes souvenirs d'enfant liés à ma mère et mon père ont "à peu près" cette même saveur. Ma réalité d'adulte, elle, ne bénéficie pas de l'"à peu près" des souvenirs : elle est confrontére avec certitude à cette froideur, ce détachement parental. Et le nourrisson que j'étais garde pour lui les souvenirs de sa détresse...
Je compose -comme je peux- avec cela depuis 40 ans.
Mais le plus insupportable en ce moment est de composer avec le plus grand nombre qui ne comprend pas.
"Elle les a voulus ses enfants, elle les a, alors où est son problème ?"
"Elle travaille à mi-temps, elle a du temps, de quoi se plaint-elle ?"
"Son mari est formidable, il l'aide beaucoup, pourquoi elle se plaint encore ?"
"A 40 ans, avec la famille qu'elle s'est construite, elle devrait arrêter de regarder en arrière !!"
"Et comment font les femmes qui ont des jumeaux, 3 enfants, 10 enfants ?!"
Heureusement il y aussi un petit nombre qui, à défaut de comprendre, puise dans ses propres failles l'intelligence émotionnelle suffisante pour accepter que l'on peut, enfant, n'avoir manqué de rien matériellement mais être morte de froid à l'intérieur. Et que ce "léger" détail -bien qu'invisble- marque de son sceau chaque journée, même les nouvelles, mêmes les grandes, même les plus belles.
Mais tout va bien dans le meilleurs des monde. Pas d'effusion de sang. Pas de bleu visible. Le monde peut continuer de tourner. L'honneur est sauf. La petite fille a développé un système de défense qui lui a permis de grandir. Elle a même réussi, malgré la froideur de son corps, et non sans mal à donner naissance à deux magnifiques filles. Mais depuis qu'elle est Maman, elle se prend de sacrés murs. Qui, comme sa mère, ne provoquent ni effusion de sang ni bleus visibles, juste des bleus à l'âme.
Mais qui méritent respect et reconnaissance.
Et aujourd'hui mon travail commence par cela. Respect et reconnaissance de cette violence subie quotidiennement qui ne se voit pas, ne laisse ni traces ni marques et pour laquelle personne ne m'est venue en aide quand j'étais nourrisson puis enfant.
PS : désolée de plomber la fin/le début de la semaine mais si je vous appelle mes "Chéries", vous me pardonnez ?
PS2 : et j'en appelle encore à votre clémence, mes Chéries, car je n'ai pas répondu à vos précédents commentaires.