Elle e(s)t moi
Je la regarde me regarder.
Que sont devenus ces yeux rieurs ?
Je râbache. Je stagne. Je remue. Mais on peut pas dire que j'avance.
Comme j'ai aimé ce texte. Qui m'a fait penser à moi avant.
Et pourquoi ces larmes d'un coup ? "Moi avant".
Avant quand ?
Avant Elles ? Non.
Avant.... avant de me battre pour être maman ? Non.
Avant Arthur Miller ? Non, j'étais pire.
Avant ces 10 ans perdus ? Non, je n'étais pas moi. Déjà plus moi. Encore moins moi.
Alors avant quoi ?
Avant mon 1er chagrin d'amour d'ado ? Oui, là il y a eu un avant et un après où j'ai sacrément morflé, en mal, en moins, en perte, en creux. Mais ce n'est pas cet "avant-là" qui m'a fait monter les larmes aux yeux.
Avant quoi alors ?
Avant d'être plombée. Ma tête. Plombée par de trop lourdes responsabilités. Plombée par trop d'absence de légèreté. Plombée par le manque d'enfance. De jeunesse. De rires. De câlins. De rêves partagés. De protection. D'espoir. De confiance.
J'ai été formatée. En un être qui ne me ressemble pas. Et j'applique le formatage au quotidien. Et ce n'est pas moi en vrai. Alors forcément au bout d'un moment ça devient lourd, épuisant, usant.
Une de mes filles mange très peu un soir ? Je suis inquiète. J'insiste. "Il faut manger". "Tous les soirs". T'entends ? Sinon.... sinon il va se passer quelque chose de terrible. Ma fille ne mangera plus jamais. Tous les soirs elle fera des caprices pour se nourrir. Et cette nuit elle va se réveiller, hurlant de faim. C'est grave tu entends : elle n'a pas mangé. Tu es une mauvaise mère. Ta fille n'a pas bien mangé ce soir. Et cela est grave.
Voilà ce qui se passe dans ma tête qui menace d'exploser quand ça ne se passe pas comme ça devrait se passer.
Mais la fille d'avant, celle qui peut-être n'a même jamais eu le temps d'exister, cette fille-là, confiante, poétique, féminine, maternelle, mamma bohémienne juive italienne a juste envie d'embrasser sa fille et de lui dire "c'est marrant, hein, comme des soirs on a faim et d'autres, on n'a pas faim ? Allez, descend de ta chsaie haute et allons faire un câlin d'amour avant d'aller se coucher."
Ce texte m'a rappelé qu'un jour j'ai été poétique, sensible aux détails de l'infiniment inutile mais si infiniment important, capable de vivre dans une vie à ma façon qui me rendait forte, imperméable aux mauvaises pensées, aux peurs mauvaises conseillères.
Je la regarde me regarder.
Et je me dis que le regard pourtant ne change pas.
Alors je (re)garde (l)espoir.
PS : bon, j'ai jamais été une "turlututu chapo pointu" mais ces derniers temps encore moins. Je m'en excuse. Et en plus j'ai un billet de retard dans mes réponses aux commentaires. La totale loose.